La régression alarmante des droits des femmes en Afghanistan
Depuis le retour des Talibans au pouvoir en août 2021, les mesures liberticides envers les femmes se multiplient en Afghanistan, où la vie devient de plus en plus difficile. Des décennies de progrès ont été balayés en quelques mois, tandis que la liste des droits perdus par les Afghanes s'allongent année après année.
Septembre 2021 : les filles afghanes âgées de plus de 12 ans ne peuvent plus aller à l'école (collège et lycée).
Décembre 2021 : les femmes doivent être accompagnées d'un homme pour se déplacer à plus de 72 km de leurs domiciles.
Mai 2022 : les femmes doivent se couvrir de la tête aux pieds, et doivent porter un voile intégral, de préférence une burqa, dans l'espace public.
Mai 2022 : il est conseillé aux Afghanes de rester principalement à la maison, sauf en cas de nécessité. Les hommes de la famille doivent veiller à ce que cette règle soit appliquée.
Novembre 2022 : les femmes ont l'interdiction de se rendre dans des parcs, des salles de sport, des fêtes foraines, des gymnases, des piscines et des hammams.
Décembre 2022 : les femmes n'ont plus le droit d'aller à l'université.
Décembre 2022 : les femmes afghanes ont l'interdiction de travailler avec des ONG locales ou internationales.
Mai 2023 : les Afghanes n'ont pas le droit de travailler pour l'ONU.
Juillet 2023 : les salons de beauté, dernier lieu où elles pouvaient se retrouver, ont été fermés.
Mars 2024 : les femmes n'ont plus le droit de posséder un téléphone portable.
Le 8 mars dernier, à l'occasion de la Journée internationale des droits des femmes, de petits groupes d'Afghanes ont manifesté discrètement contre ces restrictions, dans plusieurs provinces du pays, comme le rapporte le mouvement Purple Saturdays.
Depuis que leurs droits sont bafoués par les Talibans, les femmes du pays ont manifesté à quelques rares occasions, mais toujours en cachette, par peur de représailles. Plusieurs militantes ont en effet été détenues pendant plusieurs mois par les autorités.
Après vingt ans, des dizaines de milliers de morts et des milliards de dollars dépensés, les États-Unis ont quitté l'Afghanistan, mettant ainsi fin à la plus longue guerre de l'histoire du pays. Et il n'a pas fallu longtemps pour que le gouvernement afghan s'effondre et que les talibans reviennent au pouvoir.
La vie des femmes en Afghanistan était déjà difficile, même si les forces d'occupation occidentales étaient là pour garantir certaines libertés. Bien que d'énormes progrès aient été réalisés en matière de droits des femmes au cours des vingt dernières années, ces changements avaient surtout eu lieu dans les villes.
Sur la photo : une jeune fille afghane s'effondre lors d'une manifestation à New Delhi, en Inde.
Dans les zones rurales du pays, où vivent la majorité des femmes, la vie est encore plus oppressante pour les Afghanes. À tel point que, selon un rapport TIME de 2018, les femmes afghanes sont encore souvent mariées contre leur gré.
À leur retour au pouvoir, les Talibans avaient affirmé aux médias qu'ils assoupliraient certaines de leurs règles par rapport à l'époque où ils contrôlaient le pays de 1996 à 2001. Mais la réalité a été tout autre.
Les talibans sont connus pour leurs politiques misogynes qui empêchent les femmes de travailler et de s'instruire. Déjà sous l'ancien régime taliban, les femmes afghanes étaient privées d'une éducation de base (les filles étaient interdites d'école), n'avaient pas le droit de conduire, étaient forcées de porter la burqa et n'avaient pas le droit de quitter la maison sans être accompagnées d'un membre masculin de la famille.
Dans les semaines qui ont suivi leur prise de pouvoir, les Talibans ont commencé à restreindre les droits des femmes dans certains des domaines les plus fondamentaux. Par exemple, le 18 septembre 2021, les élèves des écoles primaires de Kaboul ont repris leurs cours dans des salles de classe séparées par genre. Les filles d'un côté et les garçons de l'autre.
Très vite aussi, pratiquer un sport, comme le criquet, est devenu interdit pour les femmes. Le chef adjoint des talibans, Ahmadullah Wasiq, a déclaré : "Au cricket, elles pourraient être confrontées à une situation où leur visage et leur corps ne seraient pas couverts. L'islam n'autorise pas les femmes à être vues ainsi", cite le magazine TIME.
Selon NPR, en septembre 2021, le maire de Kaboul (nommé par les Talibans) a demandé à la plupart des femmes employées par le gouvernement de la ville de rester chez elles. Il n'y avait qu'une seule exception à la toute nouvelle restriction imposée aux femmes par les talibans : les femmes dont le travail ne peut être effectué par des hommes étaient autorisées à travailler.
Sur la photo : des policières participant à une manifestation organisée à l'occasion de la Journée de la femme, le 8 mars 2021.
Les talibans prônent l'application de la charia, qui autorise la lapidation, le fouet et d'autres châtiments violents à l'encontre des femmes accusées d'avoir enfreint l'interprétation stricte de la loi par les talibans. Le ministère de la propagation de la vertu et de la prévention du vice est chargé de l'application de la loi religieuse stricte.
People Magazine a rapporté que les femmes afghanes étaient également arrêtées dans les rues par les Talibans si elles marchaient sans être accompagnées d'un homme de leur famille. Selon le média, certaines ont été battues ou fouettées pour avoir enfreint cette règle.
Quelques heures seulement après que le porte-parole des talibans a déclaré : "Nos femmes sont musulmanes et seront heureuses de vivre sous la charia", en août 2021, une femme a été abattue dans la province de Takhar par des combattants talibans parce qu'elle ne portait pas de burqa.
Sur la photo : Zabihullah Mujahid, le porte-parole des talibans, lors d'une conférence de presse à Kaboul, en Afghanistan, le 17 août 2021.
Les talibans ont pris le contrôle de l'Afghanistan à une vitesse surprenante, laissant aux femmes qui auraient voulu s'enfuir peu de chances de s'échapper. Une source a déclaré au Guardian : "Tout a changé en 48 heures. Personne n'a pu s'échapper. Si cela s'était passé en une semaine ou plus, nous les aurions envoyées dans les pays voisins, mais tout s'est passé le même jour, l'aéroport est fermé, partout, on voit des terroristes avec des armes."
En mars 2024, l'ONU a réitéré son appel aux talibans pour qu'ils annulent les restrictions qui pèsent sur la vie des femmes en Afghanistan. "Le refus de l’accès des femmes et des filles à l’éducation et au travail, ainsi que leur exclusion de nombreux aspects de la vie publique, ont causé d’immenses dommages à leur santé mentale et physique, ainsi qu’à leurs moyens de subsistance", a déclaré Roza Otunbayeva, représentante spéciale du Secrétaire général de l'ONU devant le Conseil de sécurité. Face aux souffrances silencieuses, l'urgence est plus que jamais absolue.